Cyberespace, Géocyberespace

Géographie des TIC/Cyberspace, Géocyberespace

Première approche de la notion de geocyberspace

par  Henry Bakis (décembre 2013; mise à jour 13 janv. 2014)

 

 

L’espace est un concept géographique important.  Il « représente la condition même de l’être et l’objet de la discipline » [1]. Il comprend l’espace matériel (espace de l’expérience, de la perception), la représentation de l’espace (tel qu’il est conçu et représenté) et l’espace des représentations (incorporé alors aux pratiques de la vie quotidienne via les émotions et les significations [2]  qu’il suscite) [3]. Le mot espace est considéré comme étant un « mot clé » par David Harvey (2004) ; il est constitutif de l’identité-même de la discipline géographique.

Or, le développement des TIC touche à la notion-même d’espace géographique qui intègre des dimensions nouvelles, des attributs nouveaux. L’espace s’est enrichi de propriétés inédites permises par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) et par le développement d’usages nouveaux qui en sont nés.

Cet espace de la communication électronique ne vient ni se substituer ni se superposer passivement au traditionnel espace de la distance kilométrique, de l’effort physique (que l’on peut décrire par le mot ‘géoespace’) . Il vient s’y mêler étroitement et ce, à toutes les diverses échelles. Les propriétés des TIC se sont élargies considérablement depuis les années 1990. Aujourd’hui, l’être humain vit toujours dans un espace géographique ‘réel’, mais cet espace n’est plus seulement le géoespace : il intègre des dimensions nouvelles, des attributs nouveaux, le rendant plus complexe.  L’espace géographique doté de la communication électronique n’est donc pas le double du géoespace : il témoigne du fait que l’espace géographique se transforme structurellement devenant  qualitativement différent de l’espace géographique tel qu’il était connu depuis la révolution industrielle et pendant la majeure partie du 20ème siècle.

Il est en effet doté d’attributs radicalement nouveaux : quasi ubiquité (avec transmission de grands volumes d’information à distance) ; nouvelles formes de lien sociaux; apparition de configurations complexes inédites comme les communautés virtuelles n’existant que grâce à Internet et dont les effets sont sociaux, culturels, politiques, économiques et spatiaux); exploration et utilisation de l’espace virtuel mis au service du monde réel (méta-univers comme Second life) dans le domaine des loisirs par exemple; géolocalisation qui permet de fournir des informations en fonction de la position géographique de l’utilisateur.

Il a semblé utile de mettre un nom sur cette notion pour l’identifier et mieux la cerner. Pour qualifier cet espace, nous avons proposé le mot  « Géocyberespace (Geocyberspace) » plus expressif que celui utilisé parfois de « Cyberespace (cyberspace) » [4]. Nous avons proposé son étude à une Commission de l’UGI [5] (1997) et l’avons aussi exploré dans plusieurs articles (Bakis 1997, 2001, 2007).

 

Références

BAKIS Henry (1997), “Approche spatiale des technologies de l’information”, Revue Géographique de l’Est, n°4, pp. 255-262.

BAKIS  Henry (1997), “From Geospace to Geocyberspace; Territories and Teleinteraction” pp. 15-49, in Roche E. M. & Bakis H. (eds., 1997), Developments in telecommunications. Between global and local, Avebury.

BAKIS Henry (1998), “Géoespace et cyberespace: Conclusion”, NETCOM, n° 1/2/3, pp. 333-342.

BAKIS Henry & ROCHE Edward M. (1998), “Cyberspace – The Emerging Nervous System of Global Society and its Spatial Functions” “CYBERGEO, No. 59, 28/05/98… (Texte en ligne:www.cybergeo.presse.fr/reseaux/texte1/bakis2.htm  – 16k)

BAKIS Henry & HUH Woo-kung (2001-2002, editors), “Geocyberspace : Building Territories on the Geographical Space of the 21th Century”, NETCOM, Vol. 15, n° 1-2, pp. 3-153 & Vol. 16, n° 1-2, pp. 3-83

BAKIS Henry (2007),  « Le ‘géocyberespace’ revisité : usages et perspectives », NETCOM, Vol. 21, No 3-4, pp. 285-296  http://www.netcom-journal.com/volumes/articlesV213/285_296bakisgeocyberspace.pdf

BAKIS Henry & VIDAL Philippe (2007), « De la négation du territoire au géocyberespace : vers une  approche intégrée de la relation entre Espace et TIC », in Claire Brossaud & Bernard Reber (dir.), in Humanités numériques, Hermès, Vol. 1. Nouvelles technologies cognitives et concepts des sciences humaines et sociales. Ch. 5, pp. 101-117.

BAKIS Henry (2008), Understanding the geocyberspace : a major task for geographers and planners in the next decade,  13 mars, http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00263841/fr/   

DODGE Martin, KITCHIN Rob (2001), Atlas of cyberspace, London, Addison-Wesley, 288 p.

DODGE Martin, KITCHIN Rob  (2001), Mapping cyberspace, London, Routledge, 208 p.

GREES – Groupe de Recherche et d’Etude de l’Espace (1993), in  Belhedi A. (Ed.), L’espace: concepts  et approches, FSHS, Tunis, 151 p. Voir http://epigeo.voila.net/EspaceRelatif.htm (consult. 13 janvier 2014).

HARVEY David (2004), « Space as a Key Word », Marx and Philosophy Conference, 29 May, Institute of Education, London, http://frontdeskapparatus.com/files/harvey2004.pdf , 16 p.

KITCHIN R. (1998), « Towards geographies of cyberspace », in Progress in human 
geography, vol. 22, n° 3, pp. 385-406.

KITCHIN R. (1998), Cyberspace: The World in the wires, Chichester, J. Wiley & Sons, 228
p.

VALENTIN Jérémie (2010), Usages géographiques du cyberespace : nouvelle appropriation de l’espace et l’essor d’une « néogéographie« , Université de Montpellier III, Thèse sous la direction de H. Bakis, décembre.

 

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NOTES 

[1] GREES (1993).

[2] Il est « composé d’un ensemble objets et de sujets qui le ponctuent, l’organisent et lui donnent un sens » GREES (1993).

[3] Harvey David (2004), p. 8.

[4] Comme les propriétés du géoespace ne disparaissent pas suite aux évolutions technologiques,  il a semblé judicieux de maintenir le préfixe « géo » à ce néologisme.

[5] Commission Géographie de la communication, Union géographique internationale, Colloque de Palma de Majorque (1997).

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